Max, Sarah Cohen-Scali, ed. Gallimard jeunesse.(à lire quand on est prêt... fin de collège/lycée/adultes !)

29/04/2013 17:43

Max est un livre dilemme. D'après moi c'est le meilleur roman pour ados de l'année 2012. Sauf que... on ne peut pas le mettre entre toutes les mains, on ne peut pas le conseiller à n'importe quel âge, on ne peut pas le laisser comme ça sans expliquer que c'est une réalité qui est décrite, on ne peut pas, on ne peut pas et pourtant on doit le lire.

Pourquoi ?

Parce que. Mais pas que. Il n'y a même pas à expliquer, c'est le genre de livre auquel on ne devrait pas pouvoir échapper surtout quand on est ados.

Max, comme l'a dit Elsa, narre des faits historique réels, chose qui mérite d'être clarifiée auprès des lecteurs d'emblée. Est-ce ce qui dérange tant de monde ? Même certains libraires ne sont pas très "chauds" pour conseiller ce roman, je l'ai remarqué lors de réunions où était évoqué ce phénomène Max qui commence à circuler sous le manteau auprès de certains ados. Ne vous a-t-on jamais dit que plus c'est interdit, plus c'est tentant ? Donc déjà je pense qu'il y a un gros problème dès le départ : c'est une histoire atroce, n'en parlons pas. C'est vulgaire disent d'autres. Et puis c'est violent. OUI, mille fois oui.

Toutefois avant de lire Max, je n'avais jamais eu la chair de poule en lisant un livre pour ados, ni même pour adultes. Le génie de Sarah Cohen-Scali est de débuter l'histoire in utero, de montrer l'emprise du nazisme sur cet enfant, conditionné avant même sa naissance à être un parfait aryen. La fin du premier chapitre se clôt sur l'accouchement de la mère (de la pondeuse, dirais-je ?) et l'on voit cet enfant naître et dire "Heil Hitler" tout juste né. Boum. Fin du premier chapitre, on est sonnés. Évidemment, tout le monde aura compris qu'il ne le dit pas... Mais il le pense tellement fort que tout le monde l'entend. Et parfait, il l'est ! Mensurations crâniennes idéales, teinte des yeux idéales, cheveux blonds comme il faut. Tellement parfait que le führer en fait presque son fils. Il a de quoi être fier ce petit, il sera pas dégagé comme ceux qui ne conviennent pas à ces messieurs mesureurs.

Mais Max est avant tout une histoire de sentiments. Sarah Cohen-Scali a magnifiquement construit ses personnages qui naviguent de l'amour à la haine. Ambivalence portée à son paroxysme avec le personnage de Max qui est le pire des salauds avant même de naître et qui va pourtant vers la rédemption. Un livre sombre, certes, mais avec un final optimiste malgré toutes les horreurs accumulées au fil des pages. Max aurait pu finir autrement et là, ça aurait changé la donne.

Je salue l'écriture de l'auteure, tellement juste qu'elle m'en a fait frémir. Chaque mot semble à sa place. Les jolis comme les vilains. Subtil mélange de langage de charretier (mais on allait tout de même pas faire sortir des roses de la bouche de tels salauds) et de belles phrases, Max restera gravé dans les mémoires de ceux qui auront eu "le droit" de le lire ou de ceux qui l'auront lu en cachette.

Ne cachez pas Max ! Lisez-le avec vos enfants, lisez-le pour eux, lisez-le pour vous, lisez-le en mémoire des horreurs commises pendant cette triste période. Lisez-le pour tous ces bébés fabriqués par des mères pondeuses et des soldats nazis. On parle peu d'eux. Ce n'est pas ce qui nous reste en tête de cette période, pourtant nombreux sont encore ces bébés devenus grands et qui doivent vivre avec ce terrible héritage au dessus de leur tête. Ils sont sûrement contents qu'on parle enfin un peu d'eux.

Max, livre phénomène, devrait être sur la liste de l'Education nationale. Mais qui osera le mettre ?

Merci Sarah Cohen-Scali. Comptez sur moi pour défendre cet ouvrage.

Max de Sarah Cohen-Scali est publié par Gallimard jeunesse. 14 €.

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