Frangine, Marion Brunet. Ed. Sarbacane, dès 13 ans.

28/06/2014 16:03

Frangine ce sont des histoires d’amour. Celle de deux femmes -Maman et Maline-, qui ont fondé une famille et eu deux enfants, au risque d’y "perdre" leurs parents pour l’une des deux qui ne les a jamais revus. Mais ce n’est pas cette histoire là qui est l’héroïne de ce roman, il s’agit de celle d’un frère envers sa plus jeune sœur. Quand Joachim découvre que Pauline est harcelée depuis son entrée au lycée par tout un tas de gens à cause de leur famille, il est prêt à exploser. Il n’a rien vu venir lui qui n’a jamais été la cible des moqueries à ce propos. Mais c’est bien plus facile de s’en prendre à une fragile jeune fille qu’à un grand gars comme lui. Alors c’est Pauline qui va "ramasser". Même ses plus fidèles amies semblent avoir changé de camp, ou plutôt n’osent plus s’afficher en compagnie de leur "meilleure" amie. C’est si simple de basculer de côté, sournoisement, lâchement, en silence. C’est un peu comme mentir par omission.

Pour faire face aux attaques, aux harcèlement, aux menaces, Pauline se fait muette et monacale. Plus de mots ou presque ne sortent de sa bouche, plus de décorations dans sa chambre d’ados qui devient celle d’une nonne.

Pauline se recroqueville, mutique. Elle habite désormais un corps mou et un environnement désertique duquel elle a volontairement ôté toute joie et toute fantaisie.

Sa chambre devient blanche comme des articulations trop serrées par la rage. Joachim prend alors la situation en main.

Mais Pauline ne veut pas de son aide. Là ça se corse. Pourtant Joachim, avec ses biscotos et son intelligence il aurait eu vite fait de leur régler leur compte à tous ces petits malins qui la détruisent à petit feu. Pauline ne veut pas en entendre parler, elle veut régler ça elle-même, faire face aux détraqueurs à la conscience étriquée.

Nous, lecteurs, nous frémissons. Elle est si fragile, Pauline, on voit bien que tout l’amour dont on l’entoure ne suffit pas. On voit bien qu’elle en veut à mort à ses mères de l’avoir mise dans cette situation. Elle a pas demandé à naître Pauline. Pourtant elle doit en assumer les conséquences. Elle en veut peut-être même à son frère adoré de vivre si bien la situation.

Pauline ne sait plus ou elle en est et, longtemps, l’on se demande ce qu’elle va faire pour régler ses comptes :

- avec ses harceleurs

- avec ses mères

- avec elle-même

- avec les amies qui l’ont abandonnée

- avec ce frère parfait

- avec ces grands-parents qui n’ont jamais voulu d’eux

Il y a du boulot en perspective pour cette héroïne au bord du gouffre. I y a de l’incertitude tout du long pour le lecteur.

Mais comment va t’elle faire pour se sortir de CA sans y laisser des plumes ? A moins qu’elle n’ait pas envie de s’en sortir. Sa détresse est palpable et on panique d’une issue tragique. Mais c’est aussi la détresse d’un frère bouleversé à l’idée de ne pas réussir à aider sa sœur chérie.Celle de deux mères dont le couple se délite un peu plus chaque jour.

J’ai rarement lu un livre à l’amour si palpable.

Marion Brunet évite tous les clichés du mariage gay et de l’homoparentalité. C’est un hommage vibrant à la famille et à la fratrie. Un livre qui montre que l’amour des nôtres peut nous porter très très haut.

Quel dommage que pendant tout ce temps on n’ait pas entendu parler de ce roman intelligent et sobre et qu’à la place on ait fait tant de pub pour des ouvrages qui étaient jusque là assez confidentiels (Tous à poils !, Papa porte une robe…) !

Le monde est parfois injuste Marion car un peu de publicité ne fait jamais de mal à un bon auteur… mais je ne doute pas que Frangine sera reconnu pour ce qu’il est : un roman d’amourS et non pas un roman uniquement sur l’homoparentalité.

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